Visiter la Russie de manière originale consiste à emprunter le transsibérien pour vous rendre au plein cœur du plus grand pays du monde, qui comprend plus de 160 nationalités différentes. La Bouriatie est une république à part, de tradition bouddhiste, dont la capitale est Irkoutsk. Nous avons visité ce coin de Russie pour vous.
La République autonome de Bouriatie
Après Irkoutsk le “Rossia” franchit les monts Primorski par un des rares tunnels de la ligne, puis descend en lacets vers la rive sud du Baïkal. Nous avons déjà parcouru plus de la moitié du trajet transsibérien.
Sur la rive sud du lac, les villages se succèdent presque en continu. C’est la partie la plus peuplée du Baïkal. A la gare de Sludianka, entièrement construite en marbre blanc, nous changeons encore de locomotive.
Le transsibérien longe le lac au plus près et franchit des dizaines de rivières, puis passe à Babouchkine, l’ancienne Myssovaïa, endroit où le ferry retrouvait la voie ferrée avant le contournement du lac. Nous venons d’entrer, sans nous en rendre compte, dans la République Autonome de Bouriatie. C’est une des seize républiques autonomes de Russie, mais il n’y a ni poste frontière ni poste de police sur la route.
Ces républiques autonomes font partie intégrante de la Russie, tout en ayant leur parlement avec un président élu.
La capacité de gestion et de décision de ces républiques autonomes étaient strictement symboliques à l’époque des soviets. Aujourd’hui, avec la politique de décentralisation menée par Boris Eltsine et poursuivie par Vladimir Poutine, ces républiques ont des pouvoirs administratifs et économiques beaucoup plus importants.
La vallée de la Sélenga
Après une trentaine de kilomètres, la ligne transsibérienne s’enfile dans la vallée de la Sélenga, le plus grand affluent du Baïkal. Superbe, large verdoyant et fertile, la Sélenga se jette dans le lac en un gigantesque delta alluvionnaire, paradis des oiseaux.
Elle prend ses sources en Mongolie, dans les montagnes qui bordent le désert de Gobi. Ensuite, après de multiples détours, elle vient s’étendre dans une large vallée pour aller se perdre dans le gouffre du Baïkal. Les paysages ont changé, avec des montagnes érodées et couvertes de forêts d’épineux. Dans la vallée, la rivière serpente dans des pâturages, les troupeaux sont nombreux. La Bouriatie est une terre d’élevage, depuis la sédentarisation de ses anciens habitants, d’origine Mongole.
You Tube: https://www.youtube.com/watch?v=xyGGWoMPZPI
Une Grande République
La République des Bouriates, comme on la nomme parfois, occupe une surface de 351 000 km2, de la taille de l’Allemagne, pour vous donner une idée.
Son territoire s’étend sur les rives ouest et nord du Baïkal, dans une région montagneuse et boisée, et jusqu’à la frontière de Mongolie au sud, dans une région de steppes.La population n’est pas très importante avec à peine plus d’un million d’âmes, dont un quart de Bouriates, trois quarts de Russes, et une trentaine de petits groupes de nationalités diverses. Les femmes russes bouriates sont d’ailleurs en proportion plus importantes que les hommes russes, ce qui fait le bonheur des agences matrimoniales des hommes occidentaux.
Les petits enfants de Gengis Khan
Parmi les peuples de Sibérie, les Bouriates, 421000 âmes, sont les plus nombreux. Originaires de Mongolie, ils sont les authentiques descendants des guerriers de Gengis Khan. Plus des deux tiers vivent dans la République autonome de Bouriatie.
La zone du Baïkal, peuplée depuis le Paléolithique supérieur, se trouva très vite incluse dans les grands empires des Hioug-nou et des Ouïgour, les premiers “Empires des Steppes”.
Au XIIIème siècle, les peuples de cette région reconnaissaient déjà l’autorité des empereurs mongols. Les Bouriates participèrent activement à l’expansion de l’empire mongol. Pourtant, un grand nombre d’entre eux commencèrent à se fixer sur les rives du Baïkal. Nomades éleveurs à l’origine, ils allaient finalement devenir des éleveurs sédentaires de chevaux et de bovins.
Au début du XVIIème siècle les cosaques, dans leur progression vers le Pacifique, arrivent dans la région. Plus tard viendront les marchands et les paysans russes. Les premiers viennent faire le commerce des fourrures ou de l’ivoire du nord, les seconds s’installent en Sibérie pour se libérer du servage.
La résistance des Bouriates à la colonisation sera farouche, et les autorités russes devront instituer un régime militaire très dur, élever des forteresses et construire des prisons pour s’implanter durablement.
L’annexion officielle de la région, se concrétisera avec les accords de Nertchinsk et Kiakhta en 1869 et 1727, qui fixent la frontière entre les empires de Chine et de Russie.
Une résistance religieuse
Les Bouriates qui refusent la conversion à la religion orthodoxe doivent s’installer à l’ouest du Baïkal. Déjà la résistance des mouvements bouddhistes se fait jour, alors qu’avec l’influence russe, le mode de vie des habitants bouriates se transforme peu à peu. Pourtant l’organisation socio-politique traditionnelle est maintenue, avec les chefs de clans et de tribus qui assurent l’administration interne en collaboration avec le pouvoir russe.
Une “entente cordiale” se fait jour lentement. En 1741 l’impératrice Élisabeth reconnaît officiellement le droit à la pratique bouddhiste-lamaïste des populations locales dans onze monastères. En 1822. Alexandre I”, octroie un “Statut des Indigènes” encore plus libéral.
Au XIX’™ siècle l’abandon de ce statut et l’expropriation des éleveurs de leurs meilleures terres sera le départ d’un vaste mouvement de révolte. Il se développe simultanément avec une prise de conscience de l’unité ethnique et religieuse. Le bouddhisme-lamaïste devient alors le ciment d’un nationalisme naissant.
Avec le pouvoir soviétique la lutte contre les cultures locales et le Bouddhisme s’intensifie. La “résistance” s’organise dans les monastères et va engendrer une répression terrible.
Pour “faire du passé table rase”, les villages bouriates anciens sont brulés, et les trente-sept monastères de la région détruits. Quarte mille moines seront pendus publiquement, et les leaders nationalistes déportés ou exécutés. Près du tiers de la population bouriate va disparaître durant cette période.
Oulan-Oude, la capitale
La “République autonome des Bouriates Mongols” fut fondée en 1923. Elle portera ce nom jusqu’en 1958, avant de devenir officiellement la “République autonome de Bouriatie”.
Avec 400000 habitants, Oulan-Oude, est une capitale importante et attrayante, siège du parlement et du gouvernement local. Elle se trouve à une centaine de kilomètres à l’est du lac Baïkal, au confluent de la Selenga et de l’Ouda, qui lui a donné son nom. Jusqu’en 1923, elle s’appelait Verkhné-Oudinsk.
C’est une ville agréable et joyeuse, avec des habitants toujours souriants et affables. L’animation est grande dans le centre-ville, autour de la “place des Soviets”, et le long de l’avenue Lénine, qui descend jusqu’à la rivière Ouda.
La place elle-même n’est pas très accueillante. Elle a été “rénovée” à la fin des années 80. Les arbres centenaires qui occupaient l’endroit ont laissé la place au bitume et autres escaliers de béton, qui sont en parfaite harmonie avec les bâtiments officiels, dans le plus pur style soviétique. En haut du parlement flottent ensemble les drapeaux russes et bouriate.
Le camarade Lénine détient le record du monde pour le nombre de statues qui le représente.
Mais celle de la place des soviets à Oulan-Oudé, est unique: c’est juste une tête (creuse) qui mesure près de huit mètres de hauteur. C’est paraît-il, un record du monde.